Publié le 16 mai 2024

L’analyse proactive des décisions de justice n’est plus une option, mais un pilier de la gestion des risques RH au Canada.

  • Les modifications unilatérales des conditions de travail, notamment le télétravail, sont une source croissante de litiges pour congédiement déguisé.
  • La validité des clauses de non-concurrence reste précaire et leur rédaction exige une rigueur absolue, particulièrement au Québec.
  • Une documentation disciplinaire déficiente peut entraîner des condamnations pour dommages punitifs substantiels, même pour de grandes entreprises.

Recommandation : Intégrez une revue trimestrielle de la jurisprudence pertinente à votre calendrier de mise à jour des politiques internes pour passer d’une conformité réactive à une stratégie préventive.

Le paysage du droit du travail au Canada est en constante évolution, modelé par des décisions de justice qui redéfinissent continuellement les obligations des employeurs. Pour un directeur des ressources humaines, se contenter de réagir à ces changements équivaut à naviguer dans le brouillard. La pratique courante consiste souvent à suivre l’actualité juridique de manière passive, en espérant ne pas être concerné directement. Cependant, cette approche réactive expose l’organisation à des risques financiers et réputationnels significatifs, allant du congédiement déguisé aux plaintes pour harcèlement.

La véritable clé ne réside pas seulement dans la connaissance des jugements, mais dans la capacité à les interpréter comme des signaux faibles des tendances de fond. En considérant chaque décision non pas comme un événement isolé, mais comme une pièce d’un puzzle plus large, il devient possible de construire un système de gestion RH préventif et résilient. L’enjeu est de transformer la contrainte juridique en un avantage stratégique, en anticipant les zones de friction avant qu’elles ne se transforment en litiges coûteux. C’est cette perspective proactive que nous adopterons, en examinant comment les leçons tirées de cas récents peuvent et doivent informer directement vos politiques internes.

Cet article vous guidera à travers l’analyse de plusieurs domaines critiques, du congédiement déguisé à la gestion des clauses de non-concurrence, en passant par la prévention des dommages punitifs. L’objectif est de vous fournir les outils pour décoder la jurisprudence et renforcer vos pratiques RH, assurant ainsi une meilleure protection et une plus grande stabilité à votre organisation.

Pour vous orienter dans cette démarche stratégique, voici les thèmes clés que nous aborderons. Chaque section est conçue pour extraire des principes d’action concrets à partir de situations juridiques complexes, vous permettant de renforcer proactivement vos politiques et procédures internes.

Analyser les cas de congédiement déguisé

Le congédiement déguisé survient lorsqu’un employeur modifie unilatéralement une condition fondamentale du contrat de travail d’un employé, forçant ce dernier à démissionner. Cette démission est alors considérée par les tribunaux comme un congédiement. Avec la normalisation du télétravail, les contours de ce qui constitue une « condition fondamentale » se sont complexifiés. Une décision récente illustre parfaitement ce nouveau paradigme.

Étude de cas : Décision Guérard c. SamaN Inc. – Télétravail et congédiement déguisé

En 2024, le Tribunal administratif du travail a statué qu’exiger le retour en présentiel d’une employée qui avait obtenu un accord pour travailler exclusivement à distance constituait un congédiement déguisé. Le tribunal a jugé que le télétravail, initialement une simple modalité, était devenu une condition essentielle de son contrat par la pratique et l’accord mutuel. En revenant sur sa décision, l’employeur a procédé à une modification substantielle et unilatérale, ce qui a été assimilé à un congédiement, comme le détaille l’analyse de la décision Guérard c. SamaN Inc. Ce cas démontre que la flexibilité accordée peut, avec le temps, se transformer en droit acquis.

Cette jurisprudence souligne l’importance pour les DRH d’encadrer clairement les politiques de télétravail. Les accords verbaux ou les pratiques tolérées sans cadre formel peuvent créer des obligations involontaires. Il est donc crucial que toute politique de travail hybride ou à distance spécifie explicitement les droits de direction de l’employeur, notamment la possibilité de requérir un retour au bureau sous certaines conditions et avec un préavis raisonnable.

Bureau d'entreprise moderne montrant la transition télétravail vers présentiel

L’image d’un bureau vide attendant le retour des employés n’est plus seulement symbolique ; elle représente un terrain juridique potentiellement miné. Chaque poste de travail inoccupé peut correspondre à un contrat de travail dont les conditions ont évolué. La gestion de cette transition nécessite une communication transparente et une documentation rigoureuse pour éviter que la réorganisation du travail ne soit perçue comme une rupture de contrat.

Comprendre la clause de non-concurrence

La clause de non-concurrence vise à protéger les intérêts légitimes d’une entreprise en restreignant la capacité d’un ancien employé à lui faire concurrence après son départ. Cependant, son application est strictement encadrée par les tribunaux canadiens, qui cherchent à équilibrer la protection de l’employeur et le droit de l’employé de gagner sa vie. La complexité est accrue par les différences notables entre le régime du Code civil du Québec et celui de la Common Law en vigueur dans les autres provinces.

Une clause de non-concurrence, pour être valide, doit être limitée quant à sa durée, son territoire et le type d’activités visées. Le critère central est celui de la « raisonnabilité ». Une clause trop large ou imprécise sera jugée déraisonnable et, par conséquent, invalide. C’est ici que la divergence entre les systèmes juridiques devient critique pour les entreprises opérant à l’échelle nationale.

Le tableau suivant, basé sur une analyse des conditions de validité, met en lumière les distinctions fondamentales que tout DRH doit maîtriser.

Validité des clauses de non-concurrence : Québec vs Common Law
Critère Québec (Code civil) Ontario/Common Law
Base légale Article 2089 CCQ – Conditions cumulatives obligatoires Jurisprudence – Test de raisonnabilité
Forme requise Écrite et expresse obligatoirement Écrite recommandée
Limites obligatoires Temps, territoire et genre de travail – absence d’une seule limite = invalidité totale Raisonnabilité globale évaluée
Modification par tribunal Impossible – clause indivisible, invalide en entier si une condition déraisonnable Possible dans certains cas
Congédiement sans cause Article 2095 CCQ – Clause inapplicable si congédiement sans motif sérieux Analyse au cas par cas

La leçon principale est claire : au Québec, l’approche est binaire. Si un seul des trois critères (temps, lieu, genre de travail) est jugé déraisonnable, la clause entière est annulée, le tribunal ne pouvant la modifier pour la « sauver ». Dans les provinces de Common Law, les tribunaux peuvent parfois appliquer la « doctrine de la divisibilité » pour retirer une partie fautive et maintenir le reste. De plus, au Québec, l’article 2095 du Code civil stipule que l’employeur ne peut se prévaloir d’une clause de non-concurrence s’il a congédié l’employé sans motif sérieux. Cette protection est moins automatique en Common Law. Pour les DRH, une approche « taille unique » pour les contrats pancanadiens est donc une stratégie à très haut risque.

Évaluer le risque de poursuite

Avant de prendre toute décision majeure concernant un employé, notamment un congédiement, une évaluation rigoureuse du risque de litige est une étape non négociable. Cette analyse préventive permet d’anticiper les arguments potentiels d’une plainte et de s’assurer que la décision est fondée sur des motifs solides et bien documentés. Il ne s’agit pas seulement de savoir si l’on a « le droit » de congédier, mais d’évaluer la probabilité de succès en cas de contestation et le coût potentiel d’un échec.

Analyse de dossiers d'employés avec documents et balance de justice

Plusieurs facteurs influencent cette évaluation. L’ancienneté, l’âge de l’employé, son poste, ses responsabilités et ses chances de se retrouver un emploi sont des éléments que les tribunaux et les arbitres examinent attentivement pour déterminer l’indemnité due. Un dossier disciplinaire bien tenu, avec des évaluations de rendement objectives et des avertissements documentés, constitue la meilleure défense de l’employeur. À l’inverse, une décision prise à la hâte sans dossier probant augmente drastiquement le risque. Le paysage des plaintes, bien que stable avec une légère hausse de +0,9% des dossiers fermés par la CNESST en 2024, montre que le volume de litiges reste constant et que la vigilance est de mise.

Pour structurer cette évaluation, les DRH peuvent s’appuyer sur une grille d’analyse qui couvre les points essentiels. Les critères suivants, inspirés des lignes directrices pour les arbitres fédéraux, sont pertinents pour toute entreprise canadienne :

  • Profil de l’employé : Analyser le poste, l’expérience, les responsabilités, l’âge et l’ancienneté, car ces facteurs influencent directement le montant du redressement potentiel.
  • Qualité du dossier : Vérifier la présence d’évaluations de rendement négatives, de comptes-rendus de rencontres et d’un dossier disciplinaire cohérent. La documentation est votre meilleur allié.
  • Motifs de la décision : S’assurer que les motifs (économiques, disciplinaires) sont légitimes, documentés et non-discriminatoires.
  • Efforts de mitigation de l’employé : Anticiper que l’indemnité pourrait être réduite si l’employé ne cherche pas activement un nouvel emploi, mais augmentée si le congédiement a été mené de manière abusive.

Cette démarche rationnelle permet non seulement de prendre des décisions plus éclairées mais aussi de préparer une défense solide en cas de litige, transformant une situation potentiellement émotive en une analyse de risque maîtrisée.

Éviter les dommages punitifs

Au-delà des indemnités compensatoires visant à réparer le préjudice subi par un employé (comme la perte de salaire), les tribunaux canadiens peuvent octroyer des dommages-intérêts punitifs. Contrairement aux premiers, leur objectif n’est pas de compenser la victime, mais de punir l’employeur pour une conduite particulièrement répréhensible et de le dissuader de répéter de tels agissements. L’octroi de ces dommages est exceptionnel et réservé aux cas où l’employeur a agi de mauvaise foi, de manière malveillante, vexatoire ou en portant atteinte de façon intentionnelle à la dignité de l’employé.

Le simple fait de congédier un employé sans cause juste n’est généralement pas suffisant pour justifier des dommages punitifs. C’est la *manière* dont le congédiement est effectué qui est examinée. Humilier un employé publiquement, se fonder sur des motifs discriminatoires, faire de fausses allégations pour justifier la décision ou ignorer délibérément les droits de l’employé sont des exemples de conduites pouvant mener à de telles sanctions.

Une affaire récente a marqué les esprits par l’ampleur de la condamnation, servant d’avertissement sévère à tous les employeurs.

Étude de cas : Chalifour c. IBM Canada – Une condamnation record

Dans cette affaire, la Cour supérieure a accordé 300 000 $ en dommages punitifs, l’un des montants les plus élevés jamais octroyés au Canada en droit de l’emploi. Le tribunal a conclu que l’employeur s’était basé sur l’état de santé de l’employé, sans aucune preuve médicale, pour lui imposer un poste inférieur qui constituait un « affront intentionnel à sa dignité ». Le juge a souligné que le montant devait être suffisamment élevé pour avoir un effet dissuasif, en tenant compte de la capacité de payer de la multinationale.

Cette décision rappelle que la phase de terminaison d’emploi est aussi cruciale que la gestion quotidienne. La leçon pour les DRH est double. Premièrement, toute décision impactant un employé doit être fondée sur des faits objectifs et documentés, et non sur des suppositions, surtout en matière de santé. Deuxièmement, le processus de communication de la décision doit être mené avec respect, professionnalisme et empathie. La perception d’une injustice ou d’une humiliation est un puissant catalyseur de litiges et un facteur aggravant majeur aux yeux des tribunaux.

Planifier la mise à jour des manuels employés

Le manuel de l’employé et les politiques internes ne sont pas des documents statiques. Ils constituent le fondement contractuel de la relation de travail et doivent évoluer au même rythme que la législation et la jurisprudence. Une politique obsolète n’est pas seulement inefficace ; elle peut être juridiquement inapplicable et exposer l’entreprise à des risques inutiles. Planifier une révision périodique et systématique est donc un pilier d’une saine gestion des ressources humaines.

La mise à jour des politiques ne consiste pas simplement à ajouter de nouvelles règles. Pour qu’un changement apporté à une politique soit opposable à un employé déjà en poste, particulièrement dans les provinces de Common Law, il faut souvent une « nouvelle contrepartie » (*fresh consideration*). Cela signifie que l’employé doit recevoir quelque chose de nouveau en échange de son acceptation de la nouvelle politique (par exemple, une prime, une augmentation, ou de nouvelles responsabilités). Sans cela, un tribunal pourrait juger que l’ancienne politique s’applique toujours.

La notion juridique de ‘nouvelle contrepartie’ (‘fresh consideration’) est essentielle dans les provinces de common law pour rendre une nouvelle politique opposable à un employé existant.

– Expert en droit du travail canadien, Guide pratique des mises à jour de politiques RH

Une approche structurée de la révision permet d’intégrer les leçons tirées de la jurisprudence récente et les nouvelles obligations légales. Un calendrier de révision annuel est un outil pragmatique pour s’assurer que rien n’est oublié.

Votre plan d’action pour la révision des politiques RH

  1. Janvier : Politique de télétravail. Réviser les clauses relatives au retour au bureau et à la définition du lieu de travail, à la lumière des décisions sur le congédiement déguisé.
  2. Mars : Droit à la déconnexion. Mettre à jour la politique pour se conformer aux exigences légales (obligatoire en Ontario) et définir des attentes claires.
  3. Mai : Harcèlement psychologique et sexuel. Intégrer les nouvelles normes et s’assurer que le processus de plainte est accessible, confidentiel et bien communiqué.
  4. Juillet : Transparence salariale. Adapter les politiques de recrutement et de rémunération aux nouvelles lois en vigueur (ex: Colombie-Britannique, Î.-P.-É.).
  5. Septembre : Clauses contractuelles. Revoir les clauses de non-concurrence et de non-sollicitation pour s’assurer de leur conformité avec la jurisprudence la plus récente de chaque province pertinente.

Cette planification transforme la mise à jour des manuels d’une tâche administrative lourde en un exercice stratégique de mitigation des risques, alignant les pratiques de l’entreprise avec l’état actuel du droit.

Éviter les plaintes aux normes du travail

Au-delà des litiges civils pour congédiement injustifié, les entreprises doivent composer avec les plaintes déposées auprès des organismes provinciaux de normes du travail, comme la CNESST au Québec. Ces plaintes, souvent moins coûteuses à initier pour un employé, peuvent néanmoins entraîner des enquêtes, des amendes et des ordres de correction. Connaître les zones de friction les plus courantes est essentiel pour une stratégie de prévention efficace.

Chaque année, les organismes de réglementation ciblent des secteurs et des infractions prioritaires. Selon la planification pluriannuelle 2024-2027 de la CNESST, plusieurs enjeux sont sous haute surveillance. Ceux-ci incluent le respect du repos hebdomadaire, particulièrement dans des secteurs comme l’agriculture où des travailleurs étrangers temporaires peuvent être soumis à des horaires excessifs, mais aussi la conformité au salaire minimum et la prévention du harcèlement psychologique ou sexuel. Ces priorités agissent comme une feuille de route pour les DRH, indiquant où concentrer les efforts de conformité et de formation.

Le harcèlement psychologique, en particulier, demeure une source majeure de plaintes. La loi oblige tout employeur à fournir un milieu de travail exempt de harcèlement et à mettre en place une politique de prévention claire et accessible. Cette politique doit non seulement exister sur papier, mais être activement promue et comprise par l’ensemble du personnel. Les statistiques montrent que le problème est loin d’être résolu. Une analyse de la CNESST révèle qu’en 2024, 56,9% des plaintes pour harcèlement psychologique provenaient des femmes, soulignant l’importance d’adopter une approche inclusive et sensible aux différentes réalités vécues au sein de l’organisation.

Pour un DRH, la prévention des plaintes aux normes du travail passe par trois actions clés :

  1. Audits réguliers : Vérifier périodiquement la conformité des pratiques (paie, horaires, pauses) avec les normes en vigueur.
  2. Formation continue : Former les gestionnaires et les employés sur leurs droits et obligations, notamment en matière de harcèlement et de droit à la déconnexion.
  3. Politiques robustes : Développer et diffuser des politiques claires, en particulier sur la prévention du harcèlement, et s’assurer que le processus de plainte est digne de confiance.

Cette démarche proactive réduit non seulement le risque de plaintes, mais contribue également à bâtir un climat de travail plus sain et plus respectueux.

Mettre en place des contrôles internes robustes

Face à un litige, la parole de l’un contre celle de l’autre a peu de poids. Ce qui fait la différence, c’est la preuve. Des contrôles internes robustes, et en particulier une documentation rigoureuse des événements et des décisions, constituent la pierre angulaire de toute stratégie de défense en droit du travail. Un dossier d’employé bien tenu n’est pas une simple formalité administrative ; c’est un investissement dans la sécurité juridique de l’entreprise.

Système de documentation et contrôles internes en entreprise

La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt de principe *Farber*, a établi les critères d’analyse du congédiement déguisé, soulignant l’importance d’examiner la conduite des deux parties. Cette analyse repose inévitablement sur les faits, et les faits doivent être prouvés.

La Cour suprême dans l’arrêt Farber a établi le test applicable pour l’analyse d’une situation de congédiement déguisé, devenant l’arrêt de principe en la matière.

– Cour suprême du Canada, Arrêt Farber (1997)

Un système de documentation probant ne se limite pas à archiver les contrats. Il doit être un processus vivant, capturant de manière factuelle et cohérente le parcours de l’employé au sein de l’entreprise, en particulier les aspects liés à la performance et à la discipline. Mettre en place un tel système requiert méthode et constance.

  • Dossier complet et centralisé : Maintenir un dossier unique pour chaque employé incluant le contrat, les avenants, les évaluations de rendement annuelles, les comptes-rendus de rencontres et toute correspondance pertinente.
  • Documentation factuelle des incidents : Pour chaque incident disciplinaire, consigner la date, l’heure, les témoins, une description objective des faits (et non des opinions) et les mesures prises.
  • Progression disciplinaire : Appliquer une gradation des sanctions (avertissement verbal, écrit, suspension, etc.) de manière cohérente et équitable pour tous les employés, et documenter chaque étape.
  • Accusé de réception : Faire signer les avis disciplinaires par l’employé pour attester de leur réception (ce qui ne vaut pas accord sur le contenu). En cas de refus, le noter au dossier en présence d’un témoin.
  • Conservation des preuves : Archiver de manière sécurisée les preuves électroniques (courriels, messages instantanés professionnels) qui appuient une décision.

Ces contrôles ne servent pas à « monter un dossier » contre un employé, mais à assurer une gestion juste, transparente et, si nécessaire, défendable de la relation de travail.

À retenir

  • Le télétravail, une fois établi comme pratique régulière, peut devenir une condition essentielle du contrat, rendant un retour au bureau obligatoire potentiellement un congédiement déguisé.
  • Une clause de non-concurrence doit être d’une précision chirurgicale au Québec; toute ambiguïté sur le temps, le lieu ou le genre de travail la rend entièrement invalide.
  • La qualité et la cohérence de la documentation disciplinaire sont les facteurs les plus déterminants pour mitiger les risques de poursuite et éviter des dommages punitifs.

Gérer et résoudre les litiges commerciaux

Même avec les meilleures pratiques préventives, le risque zéro n’existe pas. Un litige peut toujours survenir. Lorsque cela se produit, l’approche adoptée pour sa résolution est tout aussi stratégique que les mesures prises pour l’éviter. De plus en plus, les tribunaux canadiens et les organismes de réglementation encouragent fortement le recours aux modes alternatifs de règlement des conflits, au premier rang desquels figure la médiation.

La médiation est un processus volontaire et confidentiel où un tiers neutre (le médiateur) aide les parties à trouver une solution mutuellement acceptable. Contrairement à un procès où un juge impose une décision, la médiation laisse le contrôle du résultat entre les mains de l’employeur et de l’employé. Cette approche présente des avantages considérables : elle est généralement plus rapide, moins coûteuse et moins dommageable pour la réputation que des procédures judiciaires publiques.

Des organismes comme la CNESST au Québec intègrent la médiation au cœur de leur processus de traitement des plaintes. Un service de médiation gratuit est offert, avec un délai de 45 jours pour porter plainte après un événement comme un congédiement déguisé, ce qui incite à une résolution rapide. Les statistiques de la CNESST montrent que le taux de règlement en médiation reste élevé, prouvant l’efficacité de ce mécanisme.

L’attitude des tribunaux a également évolué. Refuser de participer à une médiation sans motif valable peut désormais être mal perçu par un juge et même entraîner des conséquences sur l’attribution des frais de justice. Participer de bonne foi à une médiation est aujourd’hui considéré comme le comportement attendu d’une partie raisonnable. Pour un DRH, cela signifie que la gestion d’un litige ne se limite plus à préparer une défense pour le tribunal. Elle inclut la capacité à négocier et à collaborer pour trouver un terrain d’entente. Cette compétence est devenue un élément central de la gestion de crise RH.

Adopter une approche constructive pour la résolution des conflits est la dernière étape d’une gestion des risques complète et moderne.

Pour mettre en pratique ces leçons, l’étape suivante consiste à réaliser un audit interne de vos politiques et procédures actuelles à la lumière des risques et des stratégies que nous avons identifiés. Une évaluation proactive est le meilleur investissement pour garantir la conformité et la résilience de votre organisation.

Rédigé par Isabelle Gauthier, Avocate d'affaires spécialisée en droit commercial et fusions-acquisitions (M&A), membre du Barreau du Québec depuis 15 ans. Elle conseille les PME canadiennes sur leur structuration juridique, la conformité réglementaire et les stratégies d'expansion interprovinciale et internationale.