Publié le 15 mai 2024

Pour un PDG en croissance au Canada, lever des fonds institutionnels ne se résume pas à présenter un bon plan d’affaires ; il s’agit de s’intégrer dans une vision économique nationale.

  • Le succès dépend de l’alignement avec le « double mandat » des fonds de pension : générer des rendements financiers tout en stimulant l’économie canadienne.
  • La préparation à la diligence raisonnable doit aller au-delà des finances pour inclure une documentation ESG rigoureuse et une démonstration d’impact local.

Recommandation : Abordez les investisseurs institutionnels non pas comme de simples sources de capital, mais comme des partenaires stratégiques à long terme, en prouvant comment la croissance de votre entreprise contribue directement à la souveraineté et à la prospérité économique du Canada.

Pour un PDG pilotant une entreprise en pleine croissance au Canada, l’accès au capital est le nerf de la guerre. La voie traditionnelle du financement bancaire ou du capital de risque montre souvent ses limites face à des ambitions de grande envergure. Naturellement, le regard se tourne vers les géants silencieux de la finance : les investisseurs institutionnels. Parler de fonds de pension comme la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) ou CPP Investments évoque des capitaux quasi illimités. La plupart des guides s’arrêtent à des conseils génériques : ayez un modèle d’affaires solide, préparez vos chiffres et soignez votre présentation.

Ces conseils, bien que justes, passent à côté de l’essentiel. Ils négligent la nature profonde et la mission spécifique de ces institutions au sein de l’écosystème canadien. Penser qu’on approche la CDPQ de la même manière qu’un fonds de capital-risque de la Silicon Valley est une erreur stratégique fondamentale. Mais si la véritable clé n’était pas seulement dans la qualité de votre entreprise, mais dans votre capacité à vous aligner sur un objectif plus vaste ? Et si la levée de fonds devenait moins une transaction qu’un partenariat stratégique au service d’une vision économique partagée ?

Cet article va au-delà des platitudes pour décortiquer la psychologie et les mandats des grands investisseurs institutionnels canadiens. Nous explorerons comment transformer votre demande de financement en une proposition de valeur irrésistible, en démontrant non seulement votre potentiel de croissance, mais aussi votre rôle actif dans le développement économique du Canada. De la compréhension de leur double mandat à l’optimisation de votre reporting post-investissement, vous découvrirez une approche plus profonde et stratégique pour sécuriser le capital patient dont votre entreprise a besoin pour prospérer.

Cet article a été structuré pour vous guider pas à pas dans cette démarche stratégique. Le sommaire ci-dessous vous donne un aperçu des étapes clés que nous allons aborder pour maîtriser les codes de ces acteurs incontournables.

Comprendre le mandat des fonds de pension

Avant même d’ébaucher un premier contact, il est impératif de comprendre la nature fondamentale d’un fonds de pension canadien. Contrairement à un investisseur privé dont l’unique objectif est la maximisation du profit à court ou moyen terme, un fonds de pension opère sous un double mandat. Le premier est fiduciaire : générer des rendements stables et prévisibles pour assurer les retraites de millions de Canadiens. Le second est socio-économique : investir ce capital de manière à renforcer l’économie locale et nationale. Cette double mission est le prisme à travers lequel votre dossier sera analysé.

Ce capital est souvent qualifié de capital patient. Ces fonds ne recherchent pas des sorties rapides en 3 à 5 ans. Leur horizon de placement est de 10, 20, voire 30 ans. Ils cherchent donc des partenaires, des entreprises résilientes capables de créer de la valeur durable. L’analyse de l’allocation d’actifs de ces géants est révélatrice : alors que certains fonds ont une forte exposition internationale, d’autres comme la CDPQ, BCI ou AIMco concentrent une part significative de leurs investissements au Canada. Par exemple, entre 30% et 50% des investissements de la CDPQ, BCI et AIMco sont au Canada, démontrant un biais domestique marqué.

Votre argumentaire doit donc transcender la simple projection financière. Vous devez articuler comment votre croissance va générer des emplois de qualité au pays, développer une expertise stratégique, ou encore renforcer une chaîne d’approvisionnement nationale. L’alignement avec des secteurs jugés prioritaires, comme les technologies propres (cleantech), l’intelligence artificielle ou la santé, constitue un avantage majeur. Le partenariat récent entre divers fonds institutionnels canadiens pour injecter 145 millions de dollars dans MKB Partners Fund III, un fonds dédié à la décarbonation, en est une illustration parfaite.

Votre plan d’action : S’aligner avec les thèses d’investissement institutionnelles

  1. Intégrer les critères ESG dans votre modèle d’affaires dès le départ pour démontrer une vision à long terme.
  2. Démontrer de manière quantifiable votre contribution au développement économique provincial ou national (emplois, R&D locale, etc.).
  3. Cibler les secteurs prioritaires pour l’économie canadienne comme la cleantech, l’IA et la santé.
  4. Préparer une documentation conforme aux standards de reporting internationaux comme TCFD et SASB.
  5. Identifier si votre besoin de financement (« ticket ») correspond aux mandats d’investissements directs des fonds ou s’il est plus adapté à leurs fonds partenaires.

En comprenant cette psychologie, vous cessez d’être un simple demandeur de fonds pour devenir un partenaire potentiel dans la réalisation de leurs objectifs stratégiques nationaux.

Préparer une diligence raisonnable institutionnelle

La phase de diligence raisonnable avec un investisseur institutionnel est un processus exhaustif qui va bien au-delà d’une simple vérification comptable. C’est un examen approfondi de la résilience et de la pérennité de votre modèle d’affaires. Dans ce contexte, les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) ne sont plus une simple case à cocher, mais un élément central de l’analyse de risque. Pour les fonds de pension canadiens, une mauvaise performance ESG est synonyme de risques opérationnels, réputationnels et réglementaires à long terme.

La préparation exige une documentation irréprochable et transparente. Vous devez être en mesure de fournir des données probantes sur votre empreinte carbone, vos politiques de diversité et d’inclusion, l’indépendance de votre conseil d’administration et votre impact sur les communautés locales. L’attente n’est pas la perfection, mais la démonstration d’une trajectoire d’amélioration claire et d’une gouvernance robuste pour gérer ces enjeux. L’utilisation de référentiels reconnus est indispensable pour parler le même langage que les analystes.

Vue macro détaillée d'un processus de documentation ESG avec graphiques et rapports sur bureau d'analyse

Comme le montre ce processus, la diligence d’impact est une discipline en soi. Les grands fonds canadiens se sont engagés publiquement sur des objectifs ambitieux, notamment la carboneutralité de leurs portefeuilles d’ici 2050. Ils exigent donc de leurs partenaires une adhésion à des standards de reporting stricts, tels que ceux édictés par le TCFD (Task Force on Climate-related Financial Disclosures) et, de plus en plus, les nouvelles normes de l’ISSB (International Sustainability Standards Board).

Le tableau suivant illustre les exigences de quelques-uns des principaux acteurs canadiens. Il met en lumière la convergence vers des standards communs, simplifiant en partie la préparation pour les entreprises qui ciblent plusieurs de ces investisseurs.

Exigences ESG des principaux fonds de pension canadiens
Fonds Actifs gérés (2023) Engagement Net-Zéro Standards requis
CDPQ 402 milliards CAD 2050 ISSB, TCFD, SASB
CPP Investments 570 milliards CAD 2050 ISSB, TCFD
OMERS 124.2 milliards CAD 2050 ISSB, TCFD
BCI 233 milliards CAD 2050 ISSB, TCFD

Se préparer adéquatement, c’est démontrer que votre entreprise est non seulement une opportunité de croissance financière, mais aussi un investissement géré de manière responsable et aligné sur l’avenir.

Structurer un montage financier mixte

L’obtention d’un financement institutionnel ne se traduit pas toujours par un simple chèque en échange d’actions. La réalité est souvent plus complexe et nuancée, impliquant un montage financier mixte qui combine différentes formes de capital et parfois plusieurs partenaires. Comprendre ces structures est crucial pour négocier un accord qui soutient votre croissance sans diluer excessivement votre contrôle ou alourdir votre bilan.

Une structure fréquente est le co-investissement. Un fonds de pension peut prendre la tête d’une ronde de financement tout en invitant d’autres investisseurs, comme des fonds de travailleurs (ex: Fonds de solidarité FTQ au Québec), des banques de développement comme la BDC, ou même d’autres fonds institutionnels, à y participer. Cette approche permet de mutualiser les risques et de valider la thèse d’investissement par plusieurs acteurs. Pour le PDG, cela signifie gérer une table de capitalisation plus complexe, mais aussi bénéficier d’un réseau de partenaires élargi. L’exemple du financement de MKB Partners Fund III, impliquant le Canada Growth Fund, la CDPQ, Investissement Québec et BDC Capital, est une parfaite illustration de ce modèle collaboratif.

Le montage peut également combiner capitaux propres (equity) et dette. Les institutionnels peuvent offrir des solutions de dette privée ou de financement mezzanine. Cette dette est souvent « patiente », avec des échéances plus longues et des conditions plus flexibles que les prêts bancaires traditionnels. Elle peut être une excellente option pour financer des projets d’expansion spécifiques (nouvelle usine, acquisition) sans diluer la participation des actionnaires existants. Le défi consiste à trouver le bon équilibre pour ne pas surcharger l’entreprise d’un service de la dette qui pourrait freiner son agilité, surtout en période de resserrement des taux d’intérêt.

En fin de compte, la structure idéale est celle qui s’aligne sur votre plan d’affaires à long terme et sur les attentes de vos partenaires financiers. Une approche proactive, proposant vous-même une structure bien pensée, démontrera votre maturité financière et augmentera votre crédibilité.

Éviter la perte de contrôle stratégique

La crainte la plus profonde pour tout fondateur ou PDG qui ouvre son capital est la perte de contrôle. Accueillir un investisseur institutionnel, avec sa puissance financière et ses équipes d’analystes, peut sembler intimidant. Cependant, l’objectif de ces fonds n’est généralement pas de s’immiscer dans la gestion quotidienne de l’entreprise. Ils investissent dans une équipe de direction et une vision. Le véritable enjeu est de formaliser cette relation de confiance dans un pacte d’actionnaires équilibré qui protège les intérêts de chacun.

Le contrôle ne se résume pas au pourcentage de capital détenu. Il se définit dans les clauses du pacte. Les points de négociation critiques incluent la composition du conseil d’administration, les droits de veto et les décisions stratégiques nécessitant une approbation spéciale. Un accord bien structuré limitera les droits de veto de l’investisseur aux décisions véritablement fondamentales (fusion, vente de l’entreprise, changement majeur du modèle d’affaires) tout en laissant une autonomie opérationnelle complète à l’équipe de direction. L’alignement démontré lors des étapes précédentes est votre meilleur atout : un investisseur confiant dans votre vision sera moins enclin à exiger un contrôle excessif.

Cette confiance se nourrit de transparence, notamment sur les sujets ESG. Dans une déclaration commune marquante, les PDG des huit plus grands fonds de pension canadiens ont souligné leur besoin d’informations cohérentes pour mieux évaluer les risques et les opportunités :

Les PDG de AIMCo, BCI, CDPQ, RPC, HOOPP, OMERS, OTPP et PSP appellent à fournir des informations ESG cohérentes pour renforcer la prise de décision et mieux gérer l’exposition aux risques

– PDG des huit grands fonds de pension canadiens, Déclaration commune 2020

Cette déclaration montre que le reporting ESG n’est pas une contrainte, mais un outil de dialogue stratégique. En fournissant des informations claires, vous permettez à votre partenaire de remplir son propre mandat fiduciaire, renforçant ainsi la relation de partenariat plutôt qu’une dynamique de surveillance.

Portrait serré d'une poignée de main scellant un accord entre entrepreneur et investisseur institutionnel

Check-list : Les clauses essentielles du pacte d’actionnaires

  1. Définir des droits de veto strictement limités aux décisions stratégiques majeures (ex: vente de l’entreprise, changement de mission).
  2. Négocier la composition du conseil d’administration pour assurer une représentation équilibrée et l’ajout d’administrateurs indépendants.
  3. Établir des jalons de performance (KPIs) alignés sur la vision long-terme et non sur des résultats trimestriels.
  4. Prévoir des clauses de sortie (liquidity rights) flexibles pour l’investisseur, typiquement après un horizon de 7 à 10 ans.
  5. Maintenir formellement le contrôle des opérations quotidiennes et des décisions tactiques pour l’équipe fondatrice.

Une négociation réussie ne vise pas à « gagner » contre l’investisseur, mais à construire un cadre qui transforme son capital patient en un véritable levier pour votre vision à long terme.

Optimiser le reporting post-investissement

La signature de l’accord de financement n’est pas une ligne d’arrivée, mais le début d’une nouvelle phase de la relation avec votre partenaire institutionnel. Un reporting post-investissement de qualité est essentiel pour maintenir la confiance, démontrer la bonne utilisation des fonds et anticiper les besoins futurs. Pour un investisseur institutionnel, ce reporting va bien au-delà des états financiers trimestriels. Il s’agit d’un dialogue continu sur la création de valeur globale, incluant les dimensions financières, sociales et environnementales.

L’optimisation de ce processus commence par la co-construction d’un tableau de bord dès la clôture de l’investissement. Ce tableau doit refléter les indicateurs de performance clés (KPIs) qui ont été jugés importants durant la diligence raisonnable. Il doit être concis, pertinent et axé sur les métriques qui comptent vraiment pour un détenteur de capital patient. Comme le montre l’étude du reporting de la CDPQ par la World Benchmarking Alliance, l’accent est mis sur des thèmes comme le climat, les droits humains et l’impact social. Un bon reporting raconte une histoire cohérente sur la progression de l’entreprise vers ses objectifs stratégiques.

La transparence est votre alliée. Il est crucial de reporter non seulement les succès, mais aussi les défis et les écarts par rapport au plan. Un partenaire institutionnel expérimenté sait que le chemin de la croissance n’est jamais linéaire. Communiquer proactivement sur un retard ou une difficulté, en présentant un plan d’action correctif, renforce la crédibilité et la relation de partenariat. C’est en gérant les moments difficiles avec maturité que la confiance se solidifie. Votre reporting doit être un outil de pilotage stratégique partagé, pas un simple exercice de conformité.

Le tableau suivant, inspiré des priorités observées chez les grands investisseurs, donne un exemple des KPIs qui devraient figurer dans votre reporting.

Comme le montre une analyse des priorités de reporting, les métriques d’impact sont aussi importantes que les chiffres financiers.

KPIs prioritaires pour les investisseurs institutionnels canadiens
Catégorie Métrique clé Fréquence reporting Seuil d’alerte
Impact social Emplois créés au Canada Trimestrielle -10% vs plan
Environnement Réduction émissions GES Annuelle Hors trajectoire 1.5°C
Innovation % revenus en R&D Canada Semestrielle <15% des revenus
Gouvernance Diversité conseil admin Annuelle <40% femmes

En fin de compte, un reporting efficace transforme une obligation contractuelle en une opportunité stratégique de renforcer l’alignement avec votre investisseur et de préparer sereinement les prochaines étapes de votre croissance.

Évaluer la juste valeur marchande d’une PME locale

Déterminer la juste valeur marchande (JVM) de votre entreprise est l’un des exercices les plus critiques en vue d’une levée de fonds. Pour une PME locale s’adressant à un investisseur institutionnel canadien, l’approche doit dépasser les méthodes de valorisation traditionnelles. Si les multiples d’EBITDA ou les flux de trésorerie actualisés (DCF) restent des fondations indispensables, la valorisation doit également intégrer une prime stratégique liée à votre alignement avec le mandat de l’investisseur.

Cette prime n’est pas un concept abstrait. Elle se quantifie en démontrant la valeur que votre entreprise crée au-delà de son propre bilan. Cela inclut votre contribution à la souveraineté économique canadienne dans un secteur clé, la création d’un pôle d’excellence régional, ou la possession d’une propriété intellectuelle qui renforce la compétitivité nationale. Documenter cet impact de manière rigoureuse permet de justifier une valorisation supérieure à celle d’un concurrent sans cet ancrage stratégique. Il s’agit de présenter votre entreprise non pas comme un simple actif, mais comme une plateforme de croissance pour l’économie canadienne.

Le contexte du marché financier canadien est également un facteur déterminant. Les conditions de crédit, le coût de la dette et l’activité sur les marchés boursiers comme le TSX et le TSX-V fournissent des points de comparaison essentiels. Par exemple, 106,3 milliards de dollars d’emprunts nets en titres d’emprunt au T1 2024, selon les données de Statistique Canada, indiquent un marché de la dette actif qui peut influencer les structures de financement et, par conséquent, les valorisations en capitaux propres. Un PDG avisé utilisera ces données macro-économiques pour contextualiser sa valorisation et démontrer sa compréhension de l’environnement financier global.

Votre démarche : Valoriser votre PME pour un institutionnel

  1. Identifier et quantifier l’alignement de votre entreprise avec les priorités de souveraineté économique canadienne (ex: sécurité alimentaire, énergie, technologie).
  2. Documenter la création d’emplois locaux de haute qualité et l’impact économique sur votre région ou province.
  3. Comparer votre valorisation avec les multiples de transactions publiques et privées récentes sur les marchés canadiens (TSX, TSX-V).
  4. Projeter la création de valeur sur un horizon de 10 à 15 ans, en phase avec la perspective de « capital patient » de l’investisseur.
  5. Quantifier la prime de valorisation que représente votre impact stratégique national, en plus des métriques financières standards.

En somme, valoriser votre PME pour un investisseur institutionnel, c’est raconter une histoire chiffrée qui combine performance financière, potentiel futur et contribution tangible à la prospérité du Canada.

Négocier des ententes de paiement

La négociation des ententes de paiement, ou « covenants », est un aspect technique mais fondamental de tout accord de financement, qu’il s’agisse de dette ou de capitaux propres. Ces clauses définissent les règles du jeu pour la durée de l’investissement. Pour le PDG, l’objectif est de négocier des termes qui offrent une flexibilité opérationnelle maximale tout en fournissant à l’investisseur les assurances dont il a besoin quant à la bonne gestion de l’entreprise et à la protection de son capital.

Dans le cadre d’un financement par dette, les ententes de paiement typiques peuvent inclure des ratios financiers à respecter, comme un ratio de couverture du service de la dette (DSCR) ou un ratio dette/EBITDA. La clé est de négocier des seuils réalistes, qui tiennent compte de la saisonnalité de votre activité et d’éventuelles fluctuations conjoncturelles. Il est judicieux de modéliser des scénarios de stress pour s’assurer que l’entreprise peut respecter ces covenants même dans des conditions de marché moins favorables. Un covenant trop restrictif peut paralyser la prise de décision et forcer l’entreprise à se concentrer sur des objectifs à court terme au détriment de la stratégie à long terme.

Dans les montages mixtes, où des acteurs comme BDC peuvent agir en tant que prêteur complémentaire pour combler des lacunes de marché, la négociation devient un exercice de coordination. Comme l’illustre l’approche de BDC, ces partenaires ont une expertise en financement structuré et sont habitués à participer à des transactions syndiquées. Leur but n’est pas d’imposer des conditions léonines, mais de créer une structure viable pour toutes les parties. Pour le PDG, il est avantageux de démontrer une compréhension claire de la façon dont les flux de trésorerie de l’entreprise serviront à rembourser les différentes tranches de financement, assurant ainsi à chaque prêteur que son risque est correctement géré.

Une négociation réussie aboutit à un accord qui est perçu non pas comme une série de contraintes, mais comme un cadre de bonne gouvernance financière qui aligne les intérêts du management et des bailleurs de fonds sur la création de valeur à long terme.

À retenir

  • Le succès auprès des institutionnels canadiens repose sur l’alignement avec leur double mandat : performance financière et impact économique national.
  • Une diligence raisonnable réussie exige une documentation ESG rigoureuse (TCFD, ISSB) qui va au-delà des simples chiffres financiers.
  • La négociation du pacte d’actionnaires est clé pour préserver l’autonomie stratégique tout en offrant des garanties à votre partenaire financier.

Anticiper les cycles économiques canadiens pour piloter sa trésorerie

Piloter une entreprise avec le soutien d’un investisseur institutionnel exige une vision macro-économique affûtée. Votre capacité à anticiper les cycles économiques canadiens et à ajuster votre stratégie en conséquence est un gage de maturité et de crédibilité. Les décisions de la Banque du Canada sur les taux directeurs, les fluctuations du dollar canadien, l’inflation ou encore la santé du marché immobilier ne sont pas des bruits de fond ; ce sont des variables qui impactent directement vos revenus, vos coûts et votre capacité à respecter vos engagements financiers.

Un pilotage proactif de la trésorerie implique la mise en place de « stress tests » réguliers. Cette démarche consiste à modéliser l’impact de différents scénarios macro-économiques sur votre entreprise. Que se passerait-il si les taux d’intérêt augmentaient de 200 points de base ? Si le dollar canadien perdait 15% face au dollar américain, affectant le coût de vos intrants ? En quantifiant ces risques, vous pouvez mettre en place des stratégies d’atténuation : contrats de couverture de change, renégociation de contrats avec les fournisseurs, ou constitution d’une réserve de liquidités pour traverser une période de ralentissement sans avoir à solliciter un financement d’urgence.

Le suivi attentif des publications de Statistique Canada est une pratique essentielle. Des indicateurs comme l’évolution du PIB, le taux de chômage ou la balance commerciale fournissent des signaux avancés sur la direction que prend l’économie. Par exemple, un déficit public de 4,8 milliards au T3 2024, représentant 0,7% du PIB, peut influencer les futures politiques fiscales et les conditions de crédit. Intégrer cette intelligence économique dans vos revues stratégiques et vos communications avec votre partenaire institutionnel démontre que vous êtes un capitaine qui navigue avec une carte et une boussole, et non à vue.

Votre feuille de route : Stratégie de stress test face aux fluctuations canadiennes

  1. Modéliser l’impact de trois scénarios de taux directeur de la Banque du Canada (hausse, baisse, stabilité) sur votre service de la dette.
  2. Évaluer l’impact d’une variation de +/- 20% du taux de change CAD/USD sur vos coûts d’approvisionnement et vos revenus à l’export.
  3. Tester la résilience de votre demande face à un ralentissement du marché immobilier canadien de 30%, si votre secteur y est sensible.
  4. Prévoir et maintenir des liquidités suffisantes pour couvrir 18 mois de charges opérationnelles sans financement externe.
  5. Établir des déclencheurs d’ajustement stratégique (triggers) liés à la publication d’indicateurs clés de Statistique Canada.

Pour une gestion saine et pérenne, il est crucial d’apprendre à décrypter et anticiper les cycles économiques canadiens.

En démontrant cette capacité d’anticipation, vous rassurez votre investisseur sur la résilience de votre entreprise et vous positionnez comme un partenaire stratégique fiable, capable de prospérer à travers les différentes saisons de l’économie.

Rédigé par Michael Tremblay, Expert-comptable (CPA, CA) et analyste financier agréé (CFA) avec 18 ans d'expérience en trésorerie d'entreprise et financement corporatif. Il aide les entreprises à optimiser leur structure de capital et à naviguer dans l'écosystème bancaire canadien.