Publié le 12 juin 2024

Contrairement à l’idée reçue, la stricte conformité aux nouvelles lois du travail au Canada n’est plus suffisante pour protéger une entreprise des litiges coûteux.

  • La jurisprudence récente consacre le principe de « bonne foi » comme un devoir actif et documenté, notamment lors des fins d’emploi.
  • Les clauses contractuelles restrictives, comme la non-concurrence, sont de plus en plus invalidées par les tribunaux au profit de processus internes équitables.
  • Une documentation rigoureuse et contemporaine des décisions RH est devenue le plus grand atout d’un employeur devant un tribunal.

Recommandation : Adoptez une approche de gestion préventive des risques en renforçant vos processus internes et vos circuits de validation, plutôt qu’en réagissant passivement aux changements législatifs.

Pour tout directeur des ressources humaines au Canada, le paysage juridique est en constante évolution. Chaque année apporte son lot de nouvelles décisions de justice et de modifications législatives qui semblent complexifier la gestion du personnel. La tentation est grande de voir ces changements comme une simple liste de nouvelles règles à appliquer, une course sans fin à la conformité pour éviter les sanctions.

Pourtant, cette vision réactive passe à côté de l’essentiel. L’analyse approfondie des tendances jurisprudentielles de ces dernières années révèle un changement de paradigme bien plus fondamental. Les tribunaux canadiens ne se contentent plus de vérifier la lettre de la loi ; ils évaluent de plus en plus l’esprit dans lequel les décisions sont prises. Des concepts comme le congédiement déguisé, la validité des clauses de non-concurrence, ou l’obligation de bonne foi ne sont plus des points de droit abstraits. Ils sont le reflet d’une attente croissante envers les employeurs pour une gestion plus humaine et transparente.

Mais si la véritable clé n’était pas de connaître chaque nouvelle règle par cœur, mais de comprendre la philosophie qui les sous-tend ? La tendance de fond n’est pas l’accumulation de contraintes, mais une invitation à bâtir une gestion préventive des risques relationnels. Il ne s’agit plus seulement d’éviter les poursuites, mais de concevoir et d’implémenter des processus internes si robustes et équitables qu’ils désamorcent les litiges avant même leur naissance.

Cet article vous propose de dépasser la simple chronique juridique. Nous allons décortiquer, à travers huit axes stratégiques, comment transformer ces évolutions jurisprudentielles en opportunités pour renforcer vos pratiques RH, protéger votre organisation et faire de la gestion des risques un véritable avantage concurrentiel.

Pour naviguer efficacement à travers ces enjeux complexes, cet article est structuré pour vous guider pas à pas, des risques spécifiques aux solutions systémiques. Le sommaire ci-dessous vous permettra d’accéder directement aux sections qui vous intéressent le plus.

Analyser les cas de congédiement déguisé

Le congédiement déguisé, ou « constructif », est l’un des risques les plus subtils et croissants pour les employeurs canadiens. Il ne s’agit pas d’une fin d’emploi formelle, mais d’une situation où l’employeur modifie unilatéralement et de manière substantielle les conditions de travail d’un employé, au point que ce dernier peut considérer son contrat comme rompu. La question que les DRH doivent se poser est : à quel moment une décision de gestion devient-elle une rupture de contrat ?

Les éléments déclencheurs peuvent être variés : une réduction significative du salaire ou des responsabilités, une relocalisation géographique non prévue, ou encore un changement majeur dans les horaires de travail. Avec la généralisation du télétravail, de nouvelles formes de congédiement déguisé émergent, comme l’imposition d’une surveillance excessive ou un retour au bureau obligatoire non justifié qui bouleverse fondamentalement l’équilibre convenu.

Employé de dos travaillant à domicile avec ordinateur éteint et papiers éparpillés, symbolisant le désengagement suite à un changement de conditions de travail.

Comme le montre cette image, le résultat est souvent un désengagement profond qui précède le départ de l’employé et le litige potentiel. L’enjeu est de documenter chaque changement, même mineur, et d’obtenir le consentement de l’employé lorsque la modification est substantielle. La jurisprudence récente, notamment suite aux changements du Code canadien du travail en 2024, indique que les tribunaux sont de moins en moins tolérants envers les modifications imposées sans dialogue ni contrepartie, considérant qu’elles constituent une tentative de forcer l’employé à démissionner.

La prévention passe par une communication transparente et une politique claire encadrant les modifications des conditions de travail, en particulier pour les postes en mode hybride ou à distance.

Comprendre la clause de non-concurrence

La clause de non-concurrence est un réflexe pour de nombreuses entreprises souhaitant protéger leurs secrets commerciaux et leur clientèle. Cependant, au Canada, son application est loin d’être automatique. Les tribunaux examinent ces clauses avec une grande méfiance, les considérant comme une restriction à la liberté de gagner sa vie. Une clause trop large, tant dans sa durée que dans sa portée géographique ou sectorielle, sera presque systématiquement jugée déraisonnable et donc invalide.

Cette réalité juridique est fondamentale et distingue nettement le droit canadien de certaines autres juridictions, notamment américaines. Comme le rappelle le cabinet Transatlantic Lawyer dans son guide, la culture juridique locale est très protectrice envers l’employé.

La notion de contrat de travail ‘at will’ n’existe pas au Canada

– Transatlantic Lawyer, Guide du droit du travail au Canada

Cette absence de « contrat à volonté » signifie que chaque clause doit être justifiée et proportionnée. Plutôt que de s’appuyer sur une clause de non-concurrence fragile, les DRH avisés se tournent vers des alternatives juridiquement plus solides. Ces clauses, si elles sont bien rédigées, offrent une protection ciblée sans être perçues comme abusives par les tribunaux.

Le tableau suivant, basé sur l’analyse des pratiques juridiques au Canada, compare les principales alternatives et leur niveau d’acceptabilité. Il met en lumière que la protection efficace réside dans la précision et la modération, comme le démontre cette analyse des clauses restrictives.

Alternatives juridiques à la clause de non-concurrence au Canada
Type de clause Acceptabilité juridique Portée recommandée Durée maximale conseillée
Non-concurrence stricte Très faible – souvent invalidée Limitée géographiquement 6-12 mois
Non-sollicitation clients Élevée si raisonnable Clients actuels uniquement 12-24 mois
Non-sollicitation employés Modérée à élevée Employés directs 12-18 mois
Confidentialité renforcée Très élevée Information sensible Illimitée si justifiée

L’approche stratégique consiste donc à délaisser la clause de non-concurrence générale au profit d’un assemblage de clauses de non-sollicitation et de confidentialité, plus spécifiques et donc plus faciles à défendre en cas de litige.

Évaluer le risque de poursuite

Évaluer le risque de poursuite ne se limite pas à analyser un cas isolé ; cela implique de comprendre le contexte économique et social global dans lequel les décisions RH sont prises. Actuellement, les entreprises canadiennes naviguent dans un environnement de pressions financières accrues. Ces tensions peuvent inciter à des restructurations ou à des modifications des conditions de travail qui, si elles sont mal gérées, augmentent considérablement le risque de litiges.

Les données macroéconomiques confirment cette pression. Selon Statistique Canada, bien que le rythme ait ralenti par rapport aux pics précédents, les entreprises font toujours face à une hausse de 3,7 % des coûts unitaires de main-d’œuvre en 2024. Cette augmentation, combinée à l’inflation et aux taux d’intérêt, crée un climat où la réduction des coûts devient une priorité, parfois au détriment de la prudence juridique.

Le risque ne vient pas seulement des congédiements. Une modification unilatérale de la structure salariale ou des avantages sociaux, même si elle est motivée par des impératifs économiques, peut être contestée si elle ne respecte pas les normes du travail provinciales et les obligations de préavis. Le droit du travail étant majoritairement de compétence provinciale, le risque varie significativement d’une province à l’autre. Une pratique acceptable en Alberta pourrait être illégale en Ontario ou au Québec, ce qui exige une vigilance accrue pour les entreprises opérant à l’échelle nationale.

Certains secteurs sont particulièrement exposés. Le secteur de la technologie, avec son recours fréquent aux travailleurs autonomes dont le statut peut être requalifié, et le commerce de détail, avec sa main-d’œuvre à temps partiel et ses horaires variables, sont des terrains fertiles pour les litiges si les processus ne sont pas rigoureusement encadrés. Une évaluation des risques doit donc être contextuelle, tenant compte à la fois de la géographie et du secteur d’activité.

L’anticipation de ce risque passe par des audits réguliers des pratiques salariales, des statuts d’emploi et des contrats, en s’assurant qu’ils restent conformes aux normes provinciales en vigueur.

Éviter les dommages punitifs

Au-delà de l’indemnité de préavis, le risque financier le plus important lors d’un litige de congédiement réside dans l’octroi de dommages punitifs et moraux. Ces dommages ne sont pas accordés pour le congédiement lui-même, mais pour la manière dont il a été mené. Les tribunaux canadiens sanctionnent sévèrement les employeurs qui agissent de mauvaise foi, de manière brutale, malhonnête ou trop insensible lors de la fin d’un contrat de travail.

Le concept clé ici est l’obligation de bonne foi, un principe directeur du droit contractuel canadien. Suite à l’arrêt fondateur Bhasin c. Hrynew de la Cour Suprême, ce devoir s’applique à toutes les relations contractuelles, y compris les contrats de travail. Comme le souligne une analyse du ministère de la Justice, ce principe a transformé la gestion des litiges en favorisant une approche axée sur le règlement et la transparence. Pour un DRH, cela signifie que la manière de communiquer une décision est aussi importante que la décision elle-même.

Étude de Cas : L’impact du principe de bonne foi (Bhasin c. Hrynew)

L’arrêt Bhasin c. Hrynew de la Cour Suprême du Canada a établi que le principe de bonne foi est un devoir fondamental dans toutes les relations contractuelles. Concrètement, cela signifie qu’un employeur ne peut agir de manière malhonnête ou trompeuse. Ce principe, comme le montre une analyse des tendances en litige du gouvernement, a des implications directes sur la fin d’emploi : cacher les vraies raisons d’un congédiement, faire de fausses promesses ou retarder indûment le versement des indemnités peut entraîner des dommages punitifs significatifs, bien au-delà des obligations légales de base.

Agir de bonne foi n’est pas un concept abstrait. Cela se traduit par des actions concrètes et documentées tout au long du processus de fin d’emploi. L’honnêteté, la transparence et le respect sont les meilleurs remparts contre une condamnation pour dommages punitifs. Toute trace de conduite insensible, méprisante ou trompeuse dans les communications (courriels, mémos) peut être utilisée contre l’employeur devant un tribunal.

Check-list de bonne foi pour une fin d’emploi

  1. Documentation rigoureuse : Conserver des notes contemporaines de tous les échanges et décisions liés à la fin d’emploi.
  2. Communication respectueuse : Mener l’entretien de fin d’emploi dans un cadre privé et digne, en évitant tout langage dénigrant.
  3. Transparence des motifs : Expliquer honnêtement et clairement les raisons du congédiement (sauf avis juridique contraire dans des cas complexes).
  4. Offre de soutien : Proposer une aide à la transition, comme des services d’outplacement ou une lettre de recommandation neutre.
  5. Respect des obligations : Verser toutes les indemnités dues sans délai et fournir les documents nécessaires (relevé d’emploi) rapidement.

La mise en place d’une procédure de fin d’emploi standardisée, validée juridiquement et axée sur le respect de l’employé, est l’investissement le plus rentable pour minimiser ce risque financier et réputationnel majeur.

Planifier la mise à jour des manuels employés

Le manuel de l’employé est bien plus qu’un simple document d’accueil. C’est un outil de gestion des risques essentiel, un contrat moral et parfois juridique entre l’employeur et ses salariés. Le maintenir à jour n’est pas une tâche administrative, mais une démarche stratégique pour s’adapter à la fois aux évolutions législatives et à la jurisprudence. Un manuel obsolète peut créer de fausses attentes, contenir des politiques illégales et devenir une source de litiges.

La planification de sa mise à jour doit être un processus cyclique et non un événement ponctuel. Les changements récents au Code canadien du travail, par exemple, ont introduit des obligations qui doivent impérativement y figurer pour les employeurs sous réglementation fédérale. L’un des exemples les plus marquants est l’obligation d’instaurer une politique de déconnexion du travail.

Le projet de loi C-58 (BIA 2024) exige que les employeurs sous réglementation fédérale développent une politique de déconnexion claire. Cette politique doit définir les attentes concernant les communications en dehors des heures de travail et être élaborée en consultation avec les employés. Ignorer cette obligation et ne pas l’intégrer au manuel expose l’entreprise à des plaintes et sanctions. C’est un exemple parfait de la nécessité d’une veille juridique active se traduisant par une mise à jour concrète des politiques internes.

Vue macro d'un calendrier avec des épingles colorées marquant les dates de révision des politiques RH.

Au-delà des lois, le manuel doit refléter les réalités opérationnelles et culturelles de l’entreprise. Par exemple, la question du bilinguisme est un enjeu majeur au Canada. Saviez-vous que, selon une enquête de Statistique Canada, 15,6 % des entreprises au Canada exigent les compétences d’au moins un employé bilingue, un chiffre qui grimpe à 46,2 % au Québec ? La politique linguistique de l’entreprise, si elle existe, doit être clairement énoncée dans le manuel pour éviter toute ambiguïté.

Instaurez un calendrier de révision annuel, avec des points de contrôle trimestriels pour intégrer les nouvelles décisions de justice ou modifications législatives, afin que votre manuel reste un bouclier juridique efficace et un reflet fidèle de votre culture d’entreprise.

Éviter les plaintes aux normes du travail

Les plaintes déposées auprès des commissions des normes du travail provinciales sont souvent le premier front des litiges en matière d’emploi. Elles concernent généralement des questions fondamentales : non-paiement des salaires ou des heures supplémentaires, préavis de congédiement insuffisant, ou non-respect des jours fériés. Bien que paraissant moins complexes que des poursuites civiles, ces plaintes peuvent être coûteuses, chronophages et nuire à la réputation de l’employeur.

Le respect scrupuleux des normes du travail est le socle de toute saine gestion des ressources humaines. Tenter de prendre des raccourcis, souvent sous la pression des coûts, est une stratégie à très court terme. Selon Statistique Canada, les pressions économiques sont bien réelles : près de 65,7 % des entreprises canadiennes anticipent des obstacles liés aux coûts, incluant l’inflation et les taux d’intérêt. Dans ce contexte, il peut être tentant de rogner sur les indemnités ou de retarder des paiements, mais c’est une erreur qui se paie cher.

L’un des domaines les plus litigieux est le congédiement. Une idée fausse, souvent importée d’autres cultures juridiques, est que l’on peut licencier un employé facilement. Or, la réalité canadienne est tout autre. Le principe de base est que tout employé congédié sans motif valable a droit à un préavis raisonnable ou à une indemnité en tenant lieu.

Au Canada, vous ne pouvez licencier un employé sans préavis que pour un ‘motif valable’, qui implique une charge de preuves importante

– Rippling, Guide des lois du travail au Canada

Un « motif valable » (ou « cause juste et suffisante ») est très difficile à prouver. Il est réservé aux fautes graves comme le vol, l’insubordination grave ou la fraude. Pour la grande majorité des cas de sous-performance, l’employeur a l’obligation de documenter les avertissements, d’offrir du soutien et, si le congédiement s’avère inévitable, de fournir un préavis adéquat. Tenter de congédier pour un motif non fondé est une invitation directe à une plainte aux normes du travail, voire à une poursuite civile.

La meilleure défense est une connaissance parfaite et une application sans faille des normes provinciales applicables, en particulier en ce qui concerne la paie, les heures de travail et les conditions de fin d’emploi.

Mettre en place des contrôles internes robustes

Face à la complexité croissante du droit du travail, la seule réponse stratégique durable est de passer d’une gestion réactive des cas individuels à une approche systémique basée sur des contrôles internes robustes. Plutôt que d’espérer que chaque gestionnaire prenne la bonne décision au bon moment, il s’agit de construire un cadre qui rend les bonnes décisions quasi automatiques et les mauvaises, quasi impossibles. Cela implique de créer des circuits de validation clairs pour toutes les décisions RH à risque.

Un tel système permet de s’assurer que chaque décision, qu’il s’agisse d’une mesure disciplinaire, d’une modification de contrat ou d’un congédiement, est examinée sous plusieurs angles : managérial, RH et juridique. La documentation devient alors une partie intégrante du processus, et non une corvée a posteriori. Des notes prises en temps réel (« contemporaines ») ont beaucoup plus de poids devant un tribunal qu’une justification rédigée après le dépôt d’une plainte.

La complexité de la juridiction canadienne, partagée entre le fédéral et le provincial, rend ces contrôles d’autant plus nécessaires. Un DRH doit jongler avec des règles différentes selon que l’employé travaille pour une banque (fédéral) ou un commerce de détail (provincial).

Le tableau suivant illustre quelques-unes de ces différences clés, soulignant pourquoi un processus de validation interne est crucial pour assurer la conformité dans tous les contextes.

Comparaison des normes du travail fédérales vs provinciales
Aspect Compétence fédérale Compétence provinciale
Couverture <10% de la main-d’œuvre >90% de la main-d’œuvre
Secteurs concernés Banques, télécoms, transport interprovincial Tous les autres secteurs
Préavis maximum 2024 8 semaines (nouveau) Variable selon province
Politique déconnexion Obligatoire (BIA 2024) Variable (Ontario en avance)

Plan d’action : votre circuit de validation des décisions RH à risque

  1. Validation niveau 1 : Le gestionnaire direct documente la situation de manière factuelle et en temps réel, en utilisant un formulaire standardisé.
  2. Validation niveau 2 : Le département RH vérifie la conformité de la décision envisagée avec les politiques internes et les normes du travail provinciales applicables.
  3. Validation niveau 3 : Un avis juridique externe est systématiquement sollicité pour les cas de congédiement (sauf démission claire) ou de sanction majeure pouvant être interprétée comme un congédiement déguisé.
  4. Documentation centralisée : Toutes les validations et les notes contemporaines sont archivées dans le dossier de l’employé, créant une piste d’audit complète.
  5. Révision finale : Avant toute action, une dernière vérification est effectuée pour s’assurer qu’aucun nouveau facteur (ex: une nouvelle loi comme la présomption d’emploi du BIA 2024) n’a été omis.

Ce n’est pas une contrainte bureaucratique, mais une assurance qualité qui protège l’entreprise, ses gestionnaires et assure un traitement équitable à tous les employés.

À retenir

  • Le devoir de bonne foi n’est pas passif ; il exige des actions concrètes de respect, de transparence et de soutien, particulièrement lors des fins d’emploi.
  • La documentation contemporaine et factuelle de chaque décision RH est votre meilleur allié juridique. Ce qui n’est pas écrit n’existe pas aux yeux d’un tribunal.
  • Les processus internes robustes et les circuits de validation sont plus efficaces pour gérer le risque que de s’appuyer sur des clauses contractuelles restrictives souvent invalidées.

Gérer et résoudre les litiges commerciaux

Toutes les stratégies abordées jusqu’ici visent un objectif principal : passer d’une gestion réactive des litiges à une culture de prévention proactive. Gérer un litige ne commence pas lorsqu’une mise en demeure est reçue, mais bien en amont, dans la manière dont les politiques sont rédigées, les contrats sont gérés et les décisions sont communiquées au quotidien. La jurisprudence récente au Canada ne fait que renforcer cette vision holistique.

L’obligation de bonne foi, cimentée par la Cour Suprême, s’applique à l’ensemble des relations contractuelles, y compris commerciales. Cela signifie que la philosophie de transparence et d’honnêteté doit imprégner non seulement les relations employeur-employé, mais aussi les relations avec les fournisseurs, les clients et les partenaires. Une culture d’entreprise qui valorise l’équité en interne aura naturellement moins de mal à l’appliquer en externe, réduisant ainsi son exposition globale aux litiges.

La meilleure façon de « gérer et résoudre » un litige est de l’empêcher de naître. Cela passe par des contrats clairs, des politiques internes à jour et, surtout, des processus de décision qui intègrent des points de contrôle juridiques et éthiques. En transformant chaque gestionnaire en un acteur de la prévention des risques, et en dotant le département RH des outils et de l’autorité nécessaires pour superviser ces processus, l’organisation dans son ensemble devient plus résiliente.

Le droit du travail canadien, avec ses nuances provinciales et ses principes directeurs forts, n’est pas une série d’obstacles à contourner. C’est un guide pour bâtir des relations de travail plus saines et plus durables. En adoptant l’esprit de la loi, et pas seulement sa lettre, une entreprise ne fait pas que minimiser ses risques juridiques ; elle investit dans sa marque employeur, dans l’engagement de ses équipes et dans sa pérennité.

L’étape suivante consiste donc à auditer vos pratiques actuelles à la lumière de ces principes. Commencez dès aujourd’hui à évaluer et renforcer vos processus internes pour transformer le risque juridique en un avantage stratégique durable.

Rédigé par Isabelle Gauthier, Avocate d'affaires spécialisée en droit commercial et fusions-acquisitions (M&A), membre du Barreau du Québec depuis 15 ans. Elle conseille les PME canadiennes sur leur structuration juridique, la conformité réglementaire et les stratégies d'expansion interprovinciale et internationale.