
La symbiose industrielle n’est pas qu’une initiative verte, c’est un levier de rentabilité direct pour votre PME au Canada, à condition de l’aborder comme une véritable stratégie d’affaires.
- Le « déchet » d’un voisin (vapeur, retailles, chaleur) peut devenir une matière première à faible coût pour vous, générant des économies substantielles.
- Le succès repose sur des contrats clairs qui définissent la qualité des matières, les volumes et les responsabilités, transformant un flux de rebuts en une chaîne d’approvisionnement fiable.
- Les bénéfices dépassent les économies directes : une participation documentée à une économie circulaire peut devenir un avantage décisif dans les appels d’offres publics et renforcer votre conformité ESG.
Recommandation : Commencez par une analyse interne pour cartographier vos propres matières résiduelles et leurs caractéristiques, puis étudiez les industries voisines pour identifier une première synergie potentielle avant même de contacter un organisme.
Chaque mois, la facture d’élimination de vos matières résiduelles pèse sur votre bilan financier. Pour de nombreux dirigeants de PME au Canada, cette ligne de coût semble inévitable, une fatalité opérationnelle. Vous avez probablement entendu parler de concepts comme l’« économie circulaire » ou la « valorisation des déchets », mais ces termes semblent souvent abstraits, complexes à mettre en œuvre et réservés aux multinationales disposant de départements dédiés au développement durable. On imagine des investissements lourds, une logistique complexe et un retour sur investissement incertain.
Pourtant, cette perception est trompeuse. La clé n’est pas de voir la symbiose industrielle comme un projet écologique annexe, mais comme une stratégie d’optimisation opérationnelle et financière concrète. Il ne s’agit pas simplement de « recycler », mais de tisser un réseau d’affaires local où le sous-produit d’une entreprise devient une ressource prévisible et valorisable pour une autre. Cette approche, lorsqu’elle est structurée, se planifie avec la même rigueur qu’un investissement : elle implique des contrats, une logistique maîtrisée, des calculs de rentabilité et une anticipation des futures exigences réglementaires.
Cet article n’est pas un traité théorique. C’est un guide pragmatique destiné aux dirigeants qui veulent transformer un centre de coût en une source de revenus et un avantage concurrentiel. Nous allons décortiquer les étapes pratiques pour passer du concept à la réalité rentable : comment identifier les opportunités, sécuriser les partenariats, gérer la logistique, et finalement, valoriser cet engagement auprès de vos clients et partenaires financiers. Nous aborderons les questions cruciales de responsabilité contractuelle, de transport, de conception de produits et de conformité aux normes ESG qui deviennent incontournables.
Ce guide vous fournira une feuille de route claire, ancrée dans la réalité des PME canadiennes, pour transformer vos matières résiduelles en un véritable atout stratégique. Explorez avec nous comment bâtir des symbioses industrielles profitables et résilientes.
Sommaire : Déployer une stratégie de symbiose industrielle rentable pour votre PME
- Vapeur, eau chaude ou retailles : quels « déchets » de votre voisin valent de l’or pour vous ?
- Contrat d’approvisionnement de déchets : qui est responsable si la qualité du « rebut » varie ?
- Transport de matières résiduelles : comment éviter les coûts de licence de transporteur dangereux ?
- Éco-responsable : comment utiliser votre économie circulaire pour gagner des appels d’offres publics ?
- Conception : comment penser votre produit aujourd’hui pour qu’il soit recyclable dans 10 ans ?
- Comment réduire vos coûts d’élimination de déchets dangereux de 20% par le tri à la source ?
- Calculateur GES : comment estimer vos émissions sans payer un consultant 20k $ ?
- Normes ESG : pourquoi votre PME devra bientôt rendre des comptes à ses banquiers ?
Vapeur, eau chaude ou retailles : quels « déchets » de votre voisin valent de l’or pour vous ?
La première étape pour transformer les coûts en profits est de cesser de penser en termes de « déchets » et de commencer à raisonner en « flux de matières résiduelles valorisables ». Votre entreprise génère des sous-produits qui, bien que n’étant pas votre produit final, possèdent une valeur intrinsèque pour une autre industrie. Il peut s’agir de chaleur fatale issue de vos procédés, de vapeur, d’eau chaude, de retailles de bois, de métal, de plastique, ou même de résidus organiques comme les drêches de microbrasseries. Le potentiel au Canada est immense : on estime qu’il existe entre 30 000 et 40 000 zones d’activités économiques au pays, mais que seulement 70 expériences de symbiose y sont recensées. C’est un océan d’opportunités inexploitées.
L’identification de ces opportunités commence par une cartographie. Quels sont les grands secteurs industriels de votre région ? L’industrie forestière génère des sciures et des copeaux. Les centres de données produisent d’énormes quantités de chaleur à basse température, parfaite pour chauffer des serres. Les industries agroalimentaires ont des résidus organiques transformables en biogaz ou en compost. L’idée est de créer une synergie de substitution, où votre matière résiduelle remplace une matière première vierge chez votre partenaire.
Étude de cas : La symbiose de Kamouraska, un gain tangible
Deux entreprises de la région de Kamouraska, au Québec, illustrent parfaitement ce principe. Une entreprise spécialisée dans la transformation de perlites se retrouvait avec des matières non expansées qu’elle envoyait à l’enfouissement. Grâce à l’organisme de maillage local, elle a trouvé un partenaire qui utilise désormais cette matière comme abrasif routier en hiver. Le résultat est sans appel : cette synergie a permis de détourner 205 tonnes de l’enfouissement, d’éviter 93,5 tonnes d’équivalent CO2 et de générer une économie de 30 600 $.
Pour un dirigeant, la question est : comment initier cette démarche ? La clé est d’être systématique. Analysez vos propres flux sortants (matières, eau, énergie) et quantifiez-les. Ensuite, regardez autour de vous. Les entreprises de votre parc industriel sont vos premiers partenaires potentiels. Contacter les animateurs de symbioses territoriales, comme ceux du Centre de transfert technologique en écologie industrielle (CTTÉI) ou de Synergie Montréal, peut accélérer massivement le processus de maillage.
Contrat d’approvisionnement de déchets : qui est responsable si la qualité du « rebut » varie ?
Une fois qu’un partenaire potentiel est identifié, l’enthousiasme initial peut vite laisser place à l’incertitude. Transformer une poignée de main en un partenariat industriel durable et rentable exige de surmonter un obstacle majeur : la gestion de la qualité et de la constance de la matière résiduelle. Votre « déchet » est sa « matière première ». Toute variation de composition, d’humidité ou de pureté peut perturber ses propres processus de production. C’est ici que la symbiose industrielle quitte le domaine de l’écologie pour entrer dans celui du droit commercial. La mise en place d’un contrat d’approvisionnement de matières résiduelles est non négociable.
Ce document est la pierre angulaire de la confiance. Il doit aller bien au-delà d’un simple accord de prix et de volume. Comme le souligne Jennifer Pinna, gestionnaire de projets au CTTÉI, les principaux défis sont « la variété d’acteurs avec des intérêts divergents, les questions de confidentialité, le manque de données fiables et d’indicateurs communs ». Le contrat est l’outil qui permet de surmonter ces obstacles en formalisant les attentes de chacun.
La variété d’acteurs avec des intérêts divergents, les questions de confidentialité, le manque de données fiables et d’indicateurs communs, les méthodes de calcul peu développées.
– Jennifer Pinna, Gestionnaire de projets de symbiose industrielle au CTTÉI
Un contrat robuste doit impérativement inclure des clauses précises pour éviter les litiges. Il s’agit de définir un cahier des charges technique pour la matière, d’établir des marges de tolérance et de prévoir une procédure claire en cas de non-conformité. Le tableau suivant présente les clauses essentielles à intégrer dans tout accord de symbiose au Canada.
| Type de clause | Description | Exemple concret |
|---|---|---|
| Spécification de matière | Définit les caractéristiques acceptables du résidu | Taux d’humidité max 15%, granulométrie 2-5mm, absence de contaminants métalliques |
| Variation acceptable | Tolérances sur les paramètres de qualité | ±10% sur le taux d’humidité, ±20% sur le volume mensuel |
| Mécanisme de résolution | Procédure en cas de non-conformité | Médiation via organisme tiers (ex: CTTÉI au Québec), puis arbitrage commercial |
| Certification qualité | Validation par laboratoire indépendant | Analyse trimestrielle par Bureau Veritas Canada ou SGS Canada |
En abordant la transaction avec cette rigueur, vous transformez un simple échange en une relation fournisseur-client professionnelle. Cela sécurise votre nouvelle source de revenus (ou votre approvisionnement à bas coût) et prouve à vos partenaires financiers que votre démarche d’économie circulaire est gérée avec sérieux.
Transport de matières résiduelles : comment éviter les coûts de licence de transporteur dangereux ?
La logistique est le second pilier opérationnel d’une symbiose industrielle. Une fois l’accord signé, la question se pose : comment acheminer la matière du point A au point B de manière efficace et, surtout, réglementaire ? La principale crainte pour de nombreuses PME est que leurs matières résiduelles soient classées comme « marchandises dangereuses » en vertu du Règlement sur le transport des marchandises dangereuses (TMD) du Canada. Une telle classification entraîne une cascade de coûts et de contraintes : licences spéciales pour les transporteurs, formation obligatoire du personnel, documentation complexe et primes d’assurance plus élevées. L’analyse d’impact réglementaire de Transports Canada estimait des coûts supplémentaires de 12,39 millions $ pour les entreprises sur 10 ans liés à ces exigences.
L’objectif stratégique est donc de faire la preuve que votre matière résiduelle n’est PAS une marchandise dangereuse. Cela nécessite une démarche proactive de caractérisation. Il ne suffit pas de le supposer ; il faut le documenter. Pour cela, une procédure claire existe :
- Caractérisation selon la Partie 2 du Règlement TMD : Cette première étape consiste à analyser les propriétés physico-chimiques de votre matière pour déterminer si elle correspond à l’une des neuf classes de danger (ex: inflammable, toxique, corrosif).
- Analyse par un laboratoire accrédité : Pour que votre caractérisation soit reconnue, elle doit être effectuée par un laboratoire indépendant figurant sur la liste de Transports Canada. Cette analyse objective est votre meilleure défense.
- Documentation de la classification : Conservez précieusement le rapport du laboratoire et la méthodologie utilisée. Cette documentation est la preuve que vous avez fait vos diligences raisonnables.
- Obtention d’une attestation : Soumettez votre dossier au ministère des Transports de votre province pour obtenir une confirmation écrite du statut non-dangereux de votre flux.
Cette démarche, bien qu’initialement administrative, peut vous faire économiser des dizaines de milliers de dollars par an en coûts de transport et d’assurance. Elle simplifie également la logistique, vous permettant d’utiliser des transporteurs standards et d’intégrer plus facilement ce nouveau flux dans vos opérations. De plus, une matière clairement identifiée comme non-dangereuse est beaucoup plus attractive pour un partenaire potentiel, car elle élimine un risque majeur de son côté de l’équation.
Éco-responsable : comment utiliser votre économie circulaire pour gagner des appels d’offres publics ?
Réduire les coûts d’enfouissement est un bénéfice direct et immédiat. Mais la véritable valeur stratégique d’une symbiose industrielle se révèle souvent sur le plan commercial. Participer à une économie circulaire documentée n’est plus seulement une belle histoire à raconter ; c’est un avantage concurrentiel quantifiable, en particulier pour remporter des contrats publics et séduire les grands donneurs d’ordres privés. De plus en plus, les critères environnementaux ne sont plus une simple note de bas de page, mais une composante significative de la grille d’évaluation.
Les acheteurs publics et privés cherchent à sécuriser leur propre chaîne d’approvisionnement et à verdir leur bilan. En travaillant avec des fournisseurs engagés dans l’économie circulaire, ils atteignent leurs propres objectifs de développement durable. Votre engagement devient leur argument. Mais pour que cet avantage se matérialise, il faut pouvoir le prouver. Les affirmations vagues ne suffisent pas. Vous devez fournir des données tangibles : tonnes de matières détournées de l’enfouissement, litres d’eau économisés et, surtout, réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES).
Impact mesurable : L’analyse de Synergie Économique Laurentides
L’organisme Synergie Économique Laurentides a mené une analyse pour mesurer l’impact GES de quatre synergies concrètes dans les secteurs agricole, acéricole et du bois. La conclusion, publiée dans une étude en collaboration avec le CTTÉI, est révélatrice : c’est principalement la production évitée de matières vierges qui génère les plus grandes réductions d’émissions de GES. En fournissant une matière résiduelle qui évite à votre partenaire d’extraire ou de produire une ressource neuve, vous créez un impact environnemental positif et mesurable, un argument de poids pour tout appel d’offres.
Le poids de ces critères varie, mais la tendance est claire. Pour maximiser vos chances, il est crucial de documenter chaque aspect de votre symbiose et de l’aligner avec les attentes des cahiers des charges.
| Type d’appel d’offres | Points environnement | Critères valorisés |
|---|---|---|
| Services publics Canada | 15-25% | Contenu recyclé, approvisionnement local, certifications environnementales |
| SEAO Québec | 10-20% | Réduction GES documentée, participation à une symbiose industrielle |
| Municipalités | 5-15% | Impact local, économie circulaire, création d’emplois verts |
En intégrant ces données dans vos soumissions, vous ne vendez plus seulement un produit ou un service, mais une solution à plus faible impact environnemental. Pour un acheteur qui doit lui-même rendre des comptes, cet argument peut faire toute la différence.
Conception : comment penser votre produit aujourd’hui pour qu’il soit recyclable dans 10 ans ?
La symbiose industrielle ne concerne pas uniquement les déchets de production actuels ; elle invite à une réflexion plus profonde sur le cycle de vie complet de vos propres produits. Une stratégie d’économie circulaire véritablement mature anticipe la fin de vie d’un produit dès sa conception. La question à se poser est : comment concevoir un produit aujourd’hui pour que, dans 5, 10 ou 15 ans, il ne devienne pas un déchet complexe et coûteux, mais une source de matières premières de qualité pour une future symbiose ? C’est le principe de l’écoconception.
Cela implique de faire des choix stratégiques au niveau de la R&D. Il s’agit de privilégier la modularité, la facilité de désassemblage et la pureté des matériaux. Utiliser des colles permanentes et des alliages complexes rend le recyclage difficile et coûteux. À l’inverse, opter pour des fixations standards (vis, clips), des composants monomatériaux clairement identifiés et des modules facilement remplaçables prépare le terrain pour une valorisation future. L’objectif est de créer un produit dont les composants peuvent être séparés, triés et réintroduits dans des cycles de production avec un minimum d’effort.

Un concept émergent qui concrétise cette approche est le « passeport matériel numérique ». Il s’agit d’une fiche d’identité numérique attachée à un produit, qui liste de manière exhaustive tous les matériaux qui le composent, leur quantité, leur localisation et les instructions pour le désassemblage. Pour un futur recycleur ou partenaire de symbiose, c’est une mine d’or : il sait exactement ce qu’il récupère et comment le traiter. Cette transparence radicale maximise la valeur résiduelle du produit en fin de vie.
Plan d’action : Checklist de conception pour la circularité
- Pour les fabricants de mobilier (Québec) : Adopter des fixations mécaniques standards (vis, écrous, clips) et bannir les adhésifs structurels permanents pour faciliter le démantèlement.
- Pour les équipementiers automobiles (Ontario) : Standardiser l’utilisation de thermoplastiques monomatériaux et les marquer systématiquement selon la norme ISO pour un tri automatisé efficace.
- Pour l’industrie électronique : Concevoir les produits avec des modules fonctionnels (batterie, écran, carte mère) remplaçables, dotés de connecteurs standards plutôt que soudés.
- Pour le secteur de la construction : Intégrer des points de désassemblage prévus dans la structure et créer un passeport matériel numérique documentant la composition de chaque élément majeur.
- Pour toutes les industries : Fournir une documentation technique détaillée accessible via un code QR sur le produit, listant les matériaux et les procédures de démantèlement sécuritaire.
Penser ainsi, c’est non seulement préparer l’avenir, mais aussi répondre aux exigences croissantes des clients et des régulateurs qui demandent une plus grande responsabilité du producteur sur l’ensemble du cycle de vie.
Comment réduire vos coûts d’élimination de déchets dangereux de 20% par le tri à la source ?
L’un des leviers financiers les plus rapides et efficaces de la symbiose industrielle réside dans la requalification des flux de déchets. Souvent, par manque de temps ou de processus, des matières non dangereuses se retrouvent mélangées à des matières dangereuses. Le lot entier est alors classé et traité comme dangereux, ce qui fait exploser les coûts d’élimination. Le tri rigoureux à la source permet d’isoler les différents flux et de ne payer le prix fort que pour le volume strictement nécessaire. L’économie potentielle est considérable, souvent supérieure à 20% des coûts totaux d’élimination.
L’écart de coût de traitement est frappant. Comme le montre le tableau ci-dessous, l’enfouissement d’une tonne de matière dangereuse peut coûter jusqu’à quatre fois plus cher que celui d’une matière non dangereuse dans des provinces comme le Québec ou l’Ontario. En séparant simplement les deux, l’économie est immédiate.
| Province | Matières dangereuses ($/tonne) | Matières non-dangereuses ($/tonne) | Économie potentielle par tonne |
|---|---|---|---|
| Ontario | 250 – 400 $ | 80 – 120 $ | ~68-70% |
| Québec | 300 – 450 $ | 70 – 110 $ | ~75-77% |
| Alberta | 200 – 350 $ | 60 – 100 $ | ~70-71% |
Cette démarche va au-delà de la simple réduction des coûts. En isolant un flux de matière non dangereuse (par exemple, des copeaux de métal propres), vous créez une matière première secondaire de haute qualité, prête à être vendue à un partenaire. Ce qui était un coût devient une double économie : vous ne payez plus pour l’éliminer et vous générez un nouveau revenu.
Étude de cas : 25 000 $/an économisés par une PME métallurgique
Une PME de Montérégie spécialisée dans la transformation métallique a mis en place, avec le soutien du CTTÉI, un système de filtration simple mais efficace. Ce système permet de séparer les huiles de coupe (matière dangereuse) des copeaux métalliques. Auparavant, le mélange entier partait en enfouissement spécialisé à grand frais. Aujourd’hui, seule une petite quantité d’huile est traitée comme déchet dangereux. Les copeaux, propres, sont désormais vendus à une fonderie locale comme matière première. L’opération a permis à l’entreprise d’économiser plus de 25 000 $ par an, transformant radicalement sa structure de coûts.
L’investissement dans des équipements de tri (bacs dédiés, systèmes de filtration, presses) est souvent rapidement amorti par les économies générées. Cela demande une discipline opérationnelle et une formation des équipes, mais le retour sur investissement est l’un des plus directs de l’économie circulaire.
Calculateur GES : comment estimer vos émissions sans payer un consultant 20k $ ?
Quantifier votre impact est essentiel pour valoriser votre démarche de symbiose industrielle, que ce soit dans un appel d’offres ou un rapport de développement durable. Cependant, l’idée de réaliser un bilan de gaz à effet de serre (GES) peut sembler intimidante et coûteuse, évoquant des mandats de consultants à plusieurs dizaines de milliers de dollars. Heureusement, pour une PME qui souhaite obtenir une première estimation fiable, il existe une panoplie d’outils gratuits et accessibles, souvent développés par des organismes gouvernementaux ou para-gouvernementaux canadiens.
Ces calculateurs sont conçus pour être utilisés sans expertise préalable approfondie. Ils guident l’utilisateur à travers la collecte des données nécessaires : consommation d’énergie (électricité, gaz naturel), carburant de la flotte de véhicules, et surtout, les données liées à vos flux de matières. En entrant les tonnes de matières que votre symbiose a permis de détourner de l’enfouissement et les tonnes de matières vierges que votre partenaire a évité de produire, ces outils peuvent estimer la réduction nette de GES.
Voici quelques-uns des outils les plus pertinents pour les entreprises canadiennes :
- Environnement et Changement climatique Canada – Calculateur simplifié : Idéal pour les PME manufacturières, il se concentre sur les émissions directes (Scope 1) et énergétiques (Scope 2).
- Fonds d’action pour le climat : Particulièrement adapté aux entreprises de services ou celles avec une flotte de véhicules importante.
- Équiterre – Outils sectoriels : Propose des calculateurs spécifiques pour certains secteurs comme l’agriculture, qui ont des types d’émissions particuliers.
- CTTÉI – Calculateur de symbiose : Spécialement conçu pour quantifier les bénéfices d’un échange de matières, en se basant sur des facteurs d’émission reconnus.
- Plateforme ELIPSE : Un outil plus avancé pour suivre dans la durée les indicateurs de performance d’une symbiose industrielle et leur impact GES.
En utilisant ces ressources, il est crucial de se concentrer sur le bon indicateur. Comme le rappelle Karine Bourgeois, Directrice générale de Synergie Économique Laurentides, l’impact le plus significatif ne vient pas toujours de là où on l’attend.
C’est surtout la production évitée de matières vierges qui réduit significativement les émissions de GES. Le transport, la gestion en fin de vie et l’énergie viennent souvent en dernier dans les facteurs d’impact.
– Karine Bourgeois, Directrice générale de Synergie Économique Laurentides
Cette perspective est fondamentale : la plus grande victoire environnementale (et le meilleur argument de vente) de votre symbiose est de permettre à la société d’éviter l’extraction et la transformation de nouvelles ressources.
À retenir
- La symbiose est une stratégie d’affaires : Abordez la valorisation des déchets non comme un coût mais comme une unité d’affaires, avec ses propres revenus, ses contrats et sa logistique.
- La contractualisation est la clé : Le succès d’une synergie repose sur des contrats qui spécifient la qualité, les volumes et les responsabilités, transformant un flux incertain en un approvisionnement fiable.
- Les bénéfices sont multiples : Au-delà de la réduction des frais d’enfouissement, une symbiose bien menée renforce votre position dans les appels d’offres et prépare votre entreprise aux futures exigences de conformité ESG.
Normes ESG : pourquoi votre PME devra bientôt rendre des comptes à ses banquiers ?
Pendant longtemps, les critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance (ESG) semblaient être la préoccupation exclusive des grandes entreprises cotées en bourse. Pour une PME, cela paraissait lointain, voire non pertinent. Cette époque est révolue. La pression pour la conformité ESG se propage désormais en cascade le long des chaînes d’approvisionnement. Vos plus gros clients, vos assureurs et même vos banquiers commencent à vous poser des questions sur votre performance extra-financière. Une démarche de symbiose industrielle structurée devient l’une des réponses les plus concrètes et crédibles que vous puissiez leur apporter.
Le mécanisme est simple : les grandes entreprises sont évaluées sur leurs émissions de « Scope 3 », qui incluent les émissions de toute leur chaîne de valeur, y compris celles de leurs fournisseurs. Pour améliorer leur propre note ESG, elles doivent donc s’approvisionner auprès de partenaires qui sont eux-mêmes vertueux. Une étude récente de la Banque de développement du Canada (BDC) est sans équivoque : elle révèle que la proportion de grands donneurs d’ordres qui exigeront des critères ESG de leurs fournisseurs devrait atteindre 92 % d’ici fin 2024. Demain, ne pas avoir de stratégie ESG documentée pourrait tout simplement vous fermer des portes commerciales.
Cette pression ne vient pas que des clients. Les institutions financières intègrent de plus en plus les risques climatiques et ESG dans leurs modèles d’évaluation de crédit. Une entreprise qui dépend de matières premières volatiles, qui génère beaucoup de déchets coûteux à éliminer et qui n’a aucune stratégie de résilience est perçue comme plus risquée. Inversement, une PME qui a diversifié ses approvisionnements grâce à des flux locaux, qui a transformé des coûts de déchets en revenus et qui peut prouver une réduction de son empreinte carbone présente un profil de risque bien plus attractif.
Il sera de plus en plus crucial pour la réussite des entreprises de réduire leur impact environnemental, de soutenir leur collectivité locale et leur personnel, et de se conformer à des normes rigoureuses en matière de gestion.
La symbiose industrielle répond directement à ces trois piliers : elle réduit l’impact environnemental (E), elle renforce l’économie locale en créant des liens entre entreprises (S) et elle démontre une gestion proactive et résiliente des ressources (G). Ne pas s’y préparer n’est plus une option.
En définitive, la symbiose industrielle n’est pas une tendance passagère mais une évolution fondamentale de la manière de faire des affaires. L’époque où l’on pouvait ignorer le coût et l’impact de ses rejets est terminée. Pour les dirigeants de PME au Canada, l’opportunité est double : non seulement réduire significativement une ligne de coût opérationnel, mais aussi construire un avantage concurrentiel durable, renforcer les liens avec l’écosystème local et répondre aux attentes croissantes de tous vos partenaires. L’étape suivante consiste à initier une évaluation interne pour identifier le potentiel dormant au sein de votre propre usine.